La Bolivie nous a séduits. Par son accueil, par son authenticité, ses sourires. Notre mission nous a amenés à rencontrer différentes coopératives, dans les régions d’Uyuni, de Potosi, de La Paz et de Tarija. Ce fut l’occasion de comprendre les enjeux de l’agriculture familiale en Amérique du Sud.
L’agriculture familiale (AF) existe sous deux formes. La première, prépondérante en Bolivie, est dite “agricultura familiar” et désigne les activités essentielles mais non suffisantes menées par les paysans. Ceux-ci parviennent à se nourrir grâce à leur production, et vendent le surplus sur les marchés locaux. La seconde forme d’AF est celle qui croit le plus rapidement depuis les années 1970: “l’agropecuaria empresarial” concerne toutes les activités organisées (au sens occidental du terme), qui procurent aux agriculteurs une sécurité financière en plus d’une sécurité alimentaire, et leur permettent d’exporter leurs produits.
Les exportations concernent aujourd’hui 45% de la production agricole totale en Bolivie – il y a dix ans, elles n’étaient que de 20%. La part consommée localement est passée elle de 70% à 39%, si l’on en croit les derniers chiffres du Ministère du Développement Rural.
Parmi les cultures de plus en plus prisées, citons le quinoa, l’ananas et les fèves. La pomme de terre et le maïs par exemple, connaissent moins de succès et restent ainsi des valeurs sures de l’alimentation bolivienne… Quiconque y a séjourné pourra le confirmer!
2014 a été annoncée “Année internationale de l’AF” par les Nations Unies, ce qui représente pour les acteurs boliviens une belle opportunité de faire entendre leurs besoins aux pays importateurs. A condition d’établir un diagnostique précis de la situation, et d’être d’accord sur les mesures à prendre… L’accès aux formations et aux technologies, la reconnaissance au niveau politique, la dégradation des terres et la pollution sont autant de défis pour l’AF qui peuvent être saisis.
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La CIOEC, l’organisme national qui coordonne des coopératives boliviennes, a mis en place un système de formations appelé “la Escuela de Lideres”. Cette école se décompose en trois niveaux, atteints par les élèves-coopérativistes à l’issue de semaines de cours; cours de gestion, de comptabilité, d’informatique, de production… Nous avons assisté à l’une de ces semaines de formation, et avons eu la chance également de partager le quotidien des paysans – ce qui a mis en lumière le fossé qui existait entre les cours dispensés et la réalité.
Ainsi, après avoir rencontré plus de 40 paysans de coopératives de miel, de quinoa ou de laine, nous en sommes arrivés aux constats suivants:
- L’agriculture familiale n’évolue pas avec le monde. Les jeunes désertent les campagnes et les campagnes ne font rien pour attirer les jeunes. Internet est très peu utilisé, les moyens de communication –aussi élémentaires soient-ils, ne sont pas développés, et les enjeux d’une économie concurrentielle sont loin d’être assimilés.
- Le système des coopératives agricoles est à double tranchant. Les élections régulières (tous les ans en moyenne) empêchent toute vision long-terme, et placent à la tête des coopératives des dirigeants enclins à régner, mais souvent peu aptes à diriger. Le système coopérativiste n’empêche pas les Egos de s’affirmer…
- Les formations doivent reposer sur un système plus collaboratif. Pour que tout le monde puisse y participer, l’école pourrait “se rendre aux élèves”, en étant organisée à des niveaux plus locaux et régionaux, sur des créneaux qui arrangent les bénéficiaires plus que les professeurs.
Une des mesures que nous avons proposées est ainsi celle d’une coopération entre la CIOEC et les universités du pays. La Bolivie produit des ingénieurs agronomes, des informaticiens, des gestionnaires comptables. Ces étudiants-là sont l’avenir de leur pays. Il ne nous semble pas inutile de leur permettre de le connaitre, en effectuant une semaine ou quelques heures de travail pratique dans les coopératives de leur région – ce qui permettrait en plus aux coopératives d’accéder à des cours privilégiés.
De là on pourrait envisager un engouement nouveau pour l’agriculture, familiale ou non, et croire que des jeunes compétents vont s’intéresser aux fonctions de commercialisation et aux techniques de production des coopératives boliviennes.
Ce système suppose une prise de conscience collective. Il peut également être envisagé avec la collaboration d’entreprises, qui dégageraient quelques heures de temps à leurs salariés pour leur permettre de se rendre dans ces petites structures. Avec l’aide de retraités sinon, ou de bénévoles plus largement.
Sans nul doute, la création d’un espace de travail collectif entre boliviens et volontaires étrangers favoriserait le partage de connaissances et le transfert de compétences. Nous avons ainsi rencontré Matteo, un agriculteur italien venu montrer dans la région de La Paz à ses pairs boliviens quelles techniques d’irrigation étaient utilisées dans son pays. Des projets de réserves hydrauliques communes ont depuis été lancés sur les hauteurs de l’Altiplano…
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Notre mois en Bolivie nous a prouvé que l’éducation demeure un des piliers du développement d’un pays, et que sans une prise de conscience élargie, on assiste à un gâchis organisé des ressources terrestres et humaines. Impliquer les jeunes dans les décisions nous parait essentiel, d’autant que la fracture générationnelle s’accroit avec la propagation des nouvelles technologies.
“CIOEC Bolivia: somos y hacemos Bolivia” (CIOEC Bolivia : nous sommes et nous faisons la Bolivie) : renouer avec cette devise serait de très bon augure pour ce magnifique pays.